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    Pierre-Ambroise Bosse  : « Ne pas leur laisser la moindre chance »                         

                             Pierre-Ambroise Bosse : « Ne pas leur laisser la moindre chance » 

    Le leader du 800 m français n’a pas manqué son retour sur piste à Eugene, aux Etats-Unis, le week-end dernier. En 1’44’’44, il réalise même la meilleure rentrée de sa carrière, en devançant au passage le revenant David Rudisha. Une performance qui valide le gros travail effectué cette saison dans le domaine aérobie. Et lui permet de faire le plein de confiance alors que se profilent des championnats d’Europe dont il sera l’un des grands favoris. Il le sait, l’assume et, mieux encore, semble adorer ça… Entretien.

    Athle.fr : Pierre-Ambroise, on vous imagine satisfait par votre rentrée sur 800 m, même si visiblement tout n’a pas été simple ?
    Pierre-Ambroise Bosse
     : Oui, c’est une course satisfaisante, et un super meeting dans l’ensemble. Si on élimine le détail de l’allergie au pollen, c’est une ambiance incroyable. Je n’étais pas bien depuis deux jours à cause de l’allergie, je mettais ma tête sous une veste avant la course pour éviter d’éternuer cinquante fois, et je vois Jimmy Vicaut faire 9’’89 (ndlr : avec vent trop favorable), Pascal Martinot-Lagarde 13’’13… Là, je ne sais pas si c’est l’ego qui a parlé ou une sorte de spirale positive, mais je me suis senti obligé d’y aller. Après des mois passés à l’entraînement, je ne pouvais pas me louper à cause de ça.

    « Ça », c’est cette allergie au pollen qui vous a joué un mauvais tour en arrivant sur place…
    Dès que je suis arrivé, j’avais l’impression d’avoir un rhume depuis deux semaines. J’ai fait une crise d’asthme dans mon lit, c’était la première fois. Mes poumons sifflaient, et j’ai fait peur à ce pauvre Jimmy qui était dans ma chambre ! Du coup, je suis arrivé sans pression. Si mes poumons piquaient au 400 m, au moins, je savais pourquoi… Mais le jour de la course, ça allait. C’était sans doute le jour le plus favorable au niveau des sensations. Et mentalement, j’ai oublié tout ça. Savoir gérer ce genre de conditions fait aussi partie de l’expérience.

    Quant à la course, vous battez de gros clients, dont Rudisha…
    Cela met énormément en confiance. Je peux vous dire qu’il y avait une sacrée tension dans la chambre d’appel, car personne ne savait où en était Rudisha. Et d’un autre côté, il y avait là plusieurs gars qui avaient déjà couru une ou deux fois. Je devais gérer ces aspects-là, mais je savais que j’avais bouffé plus de séances lactiques qu’il n’en fallait pour un 800 m. Mais cela restait la première compétition… Or, à l’arrivée, j’ai moins souffert qu’à l’entraînement. C’est vraiment bon pour la confiance.

    Le chrono est conforme à ce que vous attendiez ?
    Je n’avais pas trop d’idées de chronos, de temps de passage… Désormais, dans ce genre de courses, je cherche surtout à battre le plus d’adversaires possibles, comme si c’était une finale mondiale. Là, Rudisha passe en tête à la cloche (ndlr : en 50’’, derrière le lièvre Bram Som), mais il ralentit ensuite. Tout le monde dans la course a senti qu’il n’était pas bien. Et après, c’est Nijel Amos… Gros palmarès, gros talent mais une façon de courir particulière (ndlr : Amos, vingt ans et déjà vice-champion olympique, coupe la route à Pierre-Ambroise et le force à ralentir aux 550 m)… Au moment où j’y allais, où j’aime bien me placer, il me gêne un peu. Et sur la fin, je manque de jus pour être bien placé.

                              

    Vous vous sentez plus fort que l’an passé à la même époque ?
    Oui, je le ressens, et le chrono parle. 1’44’’44, c’est ma meilleure rentrée, même si j’ai repris plus tard que l’an passé.

    A quoi attribuez-vous ces progrès ?
    On a beaucoup axé le travail sur l’aérobie cette saison. L’an passé, c’était la vitesse. Là, j’ai fait des séances aérobie plus conséquentes, plus dures. Ce fut mentalement très dur, j’ai eu des moments noirs. Chez moi, ils sont rares, mais terribles. Mais cela m’a permis d’éclaircir certains points, et de comprendre qu’il fallait que je découvre et travaille des choses que je ne connaissais pas en séance.

    Vous allez devoir composer avec une nouvelle donnée en cette année de Championnats d’Europe : pour la première fois, vous serez vu et suivi comme un favori sur 800 m. Comment l’appréhendez-vous ?
    Je dois l’assumer. J’étais premier au bilan européen 2013, même si je ne suis pas le premier Européen à Moscou. Je ne dois pas laisser les autres me battre. Une seule compétition devant, et ils prennent de la confiance. C’est comme ça que ça marche, c’est terrible. Je me dis que je n’ai pas le droit de leur laisser la moindre chance. Ne pas leur laisser gagner une seule course. C’est comme en politique, les primaires au Etats-Unis : il faut gagner un Etat, puis l’autre… Par rapport au public, je suis attendu, je le sais. Je reçois plein de messages de gens que je connais, d’autres que je ne connais pas… Je le vis de la meilleure des façons. Ce n’est que du sport, je fais ça depuis toujours, je ne vois pas pourquoi ça me dérangerait.

    Quelle est la suite de votre programme, désormais ?
    Un meeting en Allemagne le 11 juin sur 800 m, puis un gros 1000 m à Ostrava le 17. Amman a annoncé qu’il y viserait le record du monde et on se doit d’être dans des courses comme ça, prendre des risques, on ne sait jamais ce qu’il peut s’y passer. Après, je reste un coureur de 800 m, je peux vraiment sauter sur un 1000, voir la douleur arriver d’un coup, comme ça. Mais à la limite, cela me permettra de rigoler tout seul dans ma chambre après-coup en regardant la vidéo si je me vois exploser. Je repartirai ensuite sur un cycle de gros travail lactique pour arriver en forme à Paris (Saint-Denis le 5 juillet) et Monaco (le 18 juillet). Oui, je serai en forme à Paris. C’est du futur simple.

     

    Propos recueillis par Cyril Pocréaux pour athle.fr