• Ce marathon devenu un vrai casse-tête…

    Ce marathon devenu un vrai casse-tête…

    Ce devait être la solution à tous les problèmes, les juridiques surtout. Pour éviter qu’un athlète ne conteste sa non-sélection pour les Jeux olympiques devant un tribunal, le Comité olympique et interfédéral belge (COIB) avait trouvé la parade en vue des Jeux de Rio : il allait définitivement tourner le dos à ses critères de sélection pour se référer exclusivement à ceux des fédérations internationales. Plus de sévérité accrue, que pouvait justifier la plus importante des compétitions omnisports ; plus de chronos ou de résultats étudiés à la loupe en fonction de la concurrence internationale pour n’envoyer que des candidats valant un top 8 ; plus de décision finale pour un billet attribué ou non : dans un geste « ponce-pilatesque », il avait rejeté sa responsabilité sur d’autres. Après tout, pourquoi encore compliquer la vie d’un sportif ayant obtenu un bon d’entrée de sa propre fédération internationale ? 

    Bardaf ! Depuis une bonne semaine, on sait que la perspective d’une action en justice lui pend à nouveau au nez. A moins qu’elle ne risque d’empoisonner plutôt la Ligue royale belge d’athlétisme (LRBA), selon la lecture que l’on fait du dossier « marathon » qui est actuellement en train de se jouer sur la route olympique.

    Sa genèse remonte à avril 2014, lors de la publication des critères athlétisme par l’IAAF. A l’époque, celle-ci stipule que pour être qualifié pour le marathon olympique de Rio, il faudra courir en moins de 2h17 pour les hommes et en moins de 2h42 pour les femmes, des chronos qui seront « assouplis » à 2h19 et 2h45 en novembre 2015. L’IAAF – et c’est important – précise que les candidats auront du 1er janvier 2015 au 11 juillet 2016 pour réussir ce temps limite, avec un maximum de trois athlètes par pays et par sexe.

    Dans ce qui apparaît comme une logique de bon sens, la LRBA, après une longue réflexion, décide d’amender le texte. Pour éviter que ses marathoniens ne s’épuisent à chasser le minimum jusqu’à un mois avant les Jeux et afin qu’ils puissent s’y préparer sereinement, elle avance la date limite de sélection pour leur épreuve au 30 avril 2016, à la fin du mois des grands marathons de printemps. Tout le monde, dans le milieu de l’athlétisme belge, semble approuver cette décision. Tous les intéressés, en tout cas, sont mis au courant. En décembre 2015, les deux ailes la publient sur leur site internet. C’est clair et limpide. Sauf que, aucune communication officielle n’est, semble-t-il, diffusée au COIB, qui reste, en vertu de la charte olympique, le décideur final en matière de sélection pour les Jeux…

    Le 27 avril, celui-ci, dans un mail, demande à la LRBA de clarifier ses critères internes et de le faire pour le 13 mai. La Ligue s’exécute et communique, à la date requise, sa proposition de sélection avec les trois athlètes qui ont été les plus rapides pendant la période qu’elle a déterminée : Koen Naert (2h10.31) Willem Van Schuerbeeck (2.12.49) et Florent Caelen (2.12.51) chez les hommes, Veerle Dejaeghere (2.31.56), Manuela Soccol (2.37.09) et Els Rens (2.38.15) chez les femmes. Une proposition que n’accepte pas le Comité olympique ; pour lui, la date limite des critères internationaux sur lesquels il a annoncé qu’il se baserait, a été fixée par l’IAAF au 11 juillet et il faut donc attendre jusque-là avant de désigner les trois Belges qui iront aux Jeux.

    Pourquoi avoir attendu jusqu’à aujourd’hui pour « sortir » avec cette règle alors que tout le monde avait la date du 30 avril en tête depuis des mois ? Pourquoi ne pas avoir dit plus tôt à la LRBA que la latitude qu’elle avait prise n’était réglementairement pas acceptable ? « Parce que nous avons dit que la règle des critères internationaux respectés à la lettre serait la même pour tous les sports et que c’est sur elle que nous nous baserions, dit Philippe Vander Putten, le directeur général du COIB. C’était clair. Et parce qu’on ne nous avait pas prévenus officiellement de ce souhait de changement de date. » Une explication sans doute exacte formellement mais un peu hypocrite dans les faits. Parce que, évidemment, à moins d’avoir vécu dans une grotte ces douze derniers mois, tout le monde « savait ».

    Ce revirement inattendu a, du coup, redonné espoir à certains, comme Abdelhadi El Hachimi. Brillant 16e l’an dernier aux Mondiaux de Pékin, il avait tenté à plusieurs reprises de se hisser dans le top 3 depuis lors, mais sans succès. Une semaine ( !) après avoir échoué, le 17 avril, à Hambourg, il s’était encore rendu à Agadir pour tenter le tout pour le tout, mais avait abandonné après 25 km en voyant qu’il n’y arriverait pas. Aujourd’hui, il a décidé de remettre ça… le 3 juillet au Gold Coast Airport Marathon, en Australie, 48 jours avant le marathon olympique de Rio. Son objectif ? Descendre sous les 2h12.51 de Florent Caelen et se hisser ainsi parmi les trois meilleurs Belges, peu importe que ce soit au détriment d’une préparation sérieuse pour les JO. Intrinsèquement, il est tout à fait capable de le faire. De plus à 41 ans, l’athlète du Sambre-et-Meuse Athlétique Club sait qu’il s’agit de sa première et dernière chance d’y aller et peu importe si, pour cela, il doive courir, en dépit de tout bon sens, deux marathons en un mois et demi…

    Ce marathon devenu un vrai casse-tête…Pour Florent Caelen, le plus « menacé » des trois marathoniens qualifiables aujourd’hui, la décision du COIB n’a « aucun sens ». « La communication de la Ligue d’athlétisme était claire pour tous et la date limite du 30 avril logique, dit-il. D’autres pays, et non des moindres, comme le Kenya et l’Ethiopie ont déjà, eux-aussi, procédé à leur sélection sur marathon. »Pas question pour lui, donc, de tenter de se prémunir contre un chrono d’El Hachimi inférieur au sien en allant, lui aussi, encore disputer un marathon avant le 11 juillet. « Moi, on m’a dit que j’étais qualifié et je suis donc en train de me préparer pour Rio, poursuit-il. Le 11 juillet, pour tout vous dire, je serai en stage d’altitude à Font-Romeu. »

    Le Liégeois est bien décidé à faire valoir ses droits jusqu’au bout. S’il devait être éjecté en dernière minute de la sélection à laquelle il estime avoir droit, il « ne resterait pas les bras croisés. S’il faut se défendre, on le fera. Ces critères étaient connus depuis un an et demi, il n’y a, selon moi, aucune dérogation possible. Si on le faisait, on serait presque en dictature…»

    On l’a dit, le COIB et la LRBA ne sont peut-être pas au bout de leur peine. A moins qu’un revirement…