• Le Kenya Maître du demi-Fond

    Le demi-fond kényan se porte à merveille en cette fin de vingtième siècle, que ce soit sur la piste ou sur les terrains de cross-country. Cette domination est peut-être la plus flagrante chez les hommes en cross-country où seul deux titres par équipe ont échappé au Kenya de 1986 à 2011, grâce notamment au chef de file Paul Tergat. Pour finir le millénaire en apothéose, le Kenya a décidé de nous offrir, avec Daniel Komen et Noah Ngeny, deux chefs d’œuvre, deux records du monde quasi inatteignables.

    Mais attention, les certitudes ne tiennent qu’un temps en athlétisme et ce n’est pas David Rudisha qui nous dira le contraire après avoir battu, douze ans plus tard, les 1’41’’11 du roi Wilson Kipketer… Le demi-fond et le fond kényan sont peut-être plus que jamais au sommet de la hiérarchie mondiale, si bien que l’on se demande même si le meilleur n’est pas encore à venir !

                          

    La première partie consacrée aux athlètes kényans s’était arrêté avec Ismael Kirui et sa grande adversité avec le rival éthiopien Haile Gebresselassie. Nous allons donc tout naturellement continuer notre tour d'horizon avec un autre adversaire du grand Haile, en l'occurrence Paul Tergat.

     

    Paul Tergat, dans l'ombre du grand Haile

    Paul Tergat ne le cache pas, sa préférence dans la course à pied s'est toujours portée vers le cross-country. «Le cross-country est ce que j'ai toujours préféré. C'était mon univers, ma passion. Avant que le la fédération internationale n'introduise le cross court en 1998, tous les athlètes de classe mondiale à partir du 1500m jusqu'au marathon étaient au départ de la même course »

    Il faut dire que le gentleman, comme on le surnomme, n'a pas fait dans la dentelle lors les mondiaux de cross-country de 1995 (Durham) à 1999 (Belfast). Il a en effet surclassé ses adversaires lors de ces cinq courses et a rejoint par la même occasion son compatriote John Ngugi, dominateur dans la fin des années 80, au panthéon du cross-country : cinq victoires chacun à leur actif. A Vilamoura (Portugal) en 2000, il montera de nouveau sur le podium, mais cette fois-ci sur la troisième marche, en finissant à deux secondes du belge Mohammed Mourhit.

    Histoire d'athlétisme La carrière de Paul Tergat est intimement liée à celle d'Haile Gebresselassie, vous allez comprendre pourquoi. Leur opposition commence en cross-country. En 1993, lorsque les kenyans s’accaparent les cinq première places mondiales, Gebresselassie est 7e, Tergat 10e. En 1994, Gebreselassie empêche Tergat de monter sur le podium pour seulement 4 secondes. Mais attention on ne l'y reprendra plus, ou du moins sur les terrains boueux. A partir de 1995, Paul Tergat ne sera plus inquiété par l'Ethiopien lors de ses titres mondiaux de cross-country (Gebre étant 4e en 1995, 5e en 1996 puis absent lors des suivants)

    L'issue des duels avec Gebresselassie sur piste est radicalement différente, et même terrible pour Tergat. Après une 3ème place aux mondiaux de Göteborg '95 lors d'un 10 000m remporté par l'Ethiopien, Paul Tergat se classera systématiquement second derrière l'inévitable Gebre, devenu son ami. 0''83 d'écart aux JO d'Atlanta '96, 1''04 aux mondiaux d'Athènes '97, 1''29 aux mondiaux de Séville '99 et enfin les infimes 0''09 d'écart aux JO de Sydney '00 au terme d'une ultime ligne droite d'anthologie. A Sydney, Tergat, démarre brusquement aux 250 mètres mais se fait grignoter dans les 50 derniers mètres. C'est d'ailleurs curieux de remarquer que les seules médailles d'or sur piste remportées par Gebresselassie sont celles qui ont vu Tergat échouer si près du but. Un porte bonheur en quelque sorte... 

     Mais Tergat n'est pas du genre à laisser Gebresselassie se parer d'or sans broncher. Il s'empare pour un peu moins d'une année du record du monde du 10 000m de l'Ethiopien à Bruxelles le 22 août 1997, pour devenir le premier homme sous les 26 minutes 30, en 26'27''85. Bruxelles est décidément un lieu propice pour battre le record du monde de la distance. Après Emil Zátopek en 1964 (28'54''2), Salah Hissou en 1996 (26'38''08), on verra également en 2005 Kenenisa Bekele porter l'actuel record à 26'17''53.                                

                        

    Paul Tergat n'excelle pas uniquement en cross-country et sur la piste mais également sur la route, qu'il privilégiera en fin de carrière. Dès 1998, il s'empare du record du monde du semi-marathon en 59''17 à Milan. Ce record tiendra sept années, avant que Samuel Wanjiru ne l'améliore d'une petite seconde. En 1999 et 2000, il gagne les championnats du monde de semi-marathon qui se déroulent en fin d'année. En 2000, il s'attaque à la distance mythique du marathon et réussit plutôt bien son entrée sur une distance si particulière. Cette année là, il termine second des marathons de Londres et de Chicago. En 2002 il est second du marathon de Londres où Gebresselessie termine 3ème pour son premier marathon. Ce sera la dernière confrontation entre les deux hommes, qui aura vu l'éthiopien devant à 22 reprises contre seulement 3 pour le kényan.

    Tergat engrange de l'expérience et s'attaque à Berlin en 2003 au record du monde. Pour cela il demande des lièvres sensés l'aider dans sa démarche. Un de ces lièvres, Sammy Korir, s'avèrera plus que redoutable. Tergat manque de se tromper de route non loin de l'arrivée et Sammy Korir revient très fort pour finir sur ses semelles à tout juste une seconde. Le chrono est sensationnel : 2h04'55, premier(s) homme(s) sous les 2h05 !!

    Les JO d'Athènes '04 seront ses derniers jeux olympiques. Manquant son ravitaillement personnel, il prend de l'eau trop fraiche et invoquera cette raison pour expliquer des crampes qui l'empêcheront de faire mieux que dixième. Bien que voulant participer aux JO de Pékin '08, sa fédération lui préférera d'autres coureurs. Entre temps, Gebresselassie lui pique son record du monde du marathon en 2h04'26 sur le même marathon de Berlin, en 2007. Quand on vous avait dit que leurs carrière était intimement liées... Haile, très respectueux envers son ami Paul l'appellera après la course pour « s'excuser » de s'être emparé de son record.

     Parcourant régulièrement la sphère mondiale des marathons, il court son dernier marathon en 2009 au Japon en 2h10'22. Il termine sa carrière cette même année à 40 ans lors de la réouverture d'une course à Belgrade en Serbie. Il avait participé à toutes les éditions de cette course depuis son début en 1996 jusqu'en 1999, année de son arrêt après la guerre de Yougoslavie.

                                                   

                                                               Page 2 : Daniel Komen et Noha N'yeni