• Un Belge sur cinq est coureur

    Un Belge sur cinq est coureur !

    THIBAUT HUGÉ  Publié le lundi 09 mai 2016 à 17h23   dhnet.be

    Les amateurs de course à pied, dans les rues ou en compétitions, sont de plus en plus nombreux. Une pratique qui s’explique avant tout pour des raisons de bien-être et de santé mais sur laquelle chaque sportif aime à mettre ses propres mots et son histoire. Analyse et témoignages pour tenter de percer les raisons de cette folie du running

    Plus de 2 millions de personnes en Belgique seraient des amateurs de course à pied. Parmi eux, deux tiers chausseraient leurs baskets plusieurs fois par mois. Des chiffres hallucinants et qui ne cessent de croître ces dernières années. En témoigne la hausse de fréquentation des épreuves toujours plus nombreuses aux quatre coins de la Belgique. Si les 20 Km de Bruxelles et leurs quelque 40.000 dossards trustent, et de loin, le haut de l’affiche, pas moins de 42 organisations francophones ont vu le cap des 1.000 coureurs classés franchi en 2015, un chiffre qui, jusqu’il y a peu, semblait pour beaucoup inimaginable.

    Courir n’est pourtant pas nouveau. De tout temps, l’homme, animal à l’endurance exceptionnelle, a couru. Pour chasser, à la préhistoire, mais aussi pour la beauté du sport, comme en attestent déjà certains bas-reliefs datant de 5.500 ans retrouvés en Égypte. Plus près de nous, le premier réel boom de la course à pied a débarqué en Europe à la fin des années 1970, quelques années après des États-Unis boostés par celui qui reste une icône de la discipline, Steve Prefontaine. D’illuminés, les joggeurs, devenus entre-temps coureurs ou runners, sont petit à petit entrés dans les mœurs. Aujourd’hui, ils sont partout. Matin, midi et soir, en ville ou à la campagne, qu’il pleuve, vente ou neige.

    Un changement de vision de société

    Les raisons du succès de la course à pied sont multiples et chaque coureur a son explication. Les plus classiques mettent en avant l’accessibilité et la facilité de la discipline. Une paire de godasses et vous êtes potentiellement un athlète. Le bien-être, sous toutes ses formes, s’impose également rapidement pour analyser le phénomène. Ainsi, selon une enquête réalisée par la Fédération Française d’Athlétisme (FFA), les trois premières raisons avancées par les pratiquants seraient l’amélioration de la condition physique (58 %), rester en bonne santé (58 %) et perdre du poids (35 %). Reviennent aussi régulièrement les bienfaits sur l’état de stress, la sociabilité de la discipline ou encore, surtout du côté masculin, le besoin de repousser ses limites.

    Mais toutes ces raisons, si elles sont valables aujourd’hui, l’étaient déjà par le passé. D’autres facteurs, liés à l’évolution de notre société, peuvent donc également être avancés pour expliquer un phénomène qui a surtout pris de l’ampleur ces cinq-six dernières années. Si les nouveaux outils, comme les montres connectées et les réseaux sociaux, ont fait de certains runners de véritables geeks passant parfois plus de temps à commenter leurs performances qu’à s’entraîner, le besoin d’échapper à un quotidien toujours plus stressant et oppressant est, pour beaucoup, une réalité. Sans omettre que, à l’instar du succès rencontré par tout ce qui touche au bio et à la nature, une prise de conscience du bienfait de la pratique sportive sur la santé semble avoir traversé l’Europe. La course à pied, discipline de la flexibilité par excellente, y apporte une réponse.

    “J’irais même plus loin sur cette question de la santé”, analyse Gilles Goetghebuer, rédacteur en chef deZatopek Magazine. “Il y a eu tellement de scandales pharmacologiques ces dernières années, avec la médiatisation d’effets secondaires désastreux de médicaments, que les gens ont changé de paradigme. Ils préfèrent faire confiance à eux-mêmes. Pour éviter de prendre des médicaments ou de devoir en prendre, ils se sont mis au sport. Ainsi, on commence la course à pied pour une raison précise, comme la volonté de perdre du poids, résoudre des problèmes de cœur ou encore lutter contre un essoufflement trop rapide. Et vu les effets bénéfiques, on y prend goût, voire même du plaisir et on s’attache. Et ce qui vaut pour une personne peut rapidement s’étendre à un groupe…”

    Une vision théorique qui, en tendant l’oreille dans la masse toujours plus importante des coureurs, trouve certains échos. “Il y a trois ans, suite à des complications au niveau de ma santé, j’ai amorcé un virage à 180 degrés”, témoigne par exemple Jean-Yves Marchal, par ailleurs président du conseil consultatif des Sports à Ottignies-Louvain-la-Neuve.
    “En obésité morbide, j’ai été consulter une diététicienne spécialisée en diabétologie qui m’a inculqué une nouvelle hygiène de vie. Celle-ci était basée uniquement sur le choix des aliments et d’une activité physique régulière. Je me suis d’abord mis à marcher de manière assez lente et courte. Une fois l’habitude installée, j’ai commencé à marcher contre le chrono, sans pour autant courir, ce qui me semblait impossible. Délesté de 60 kg et de la prise de médicaments au bout de deux ans, des amis m’ont inscrit à un trail avec eux. Pensant que cela s’apparentait à un trek, je m’y suis présenté mais j’ai vite compris qu’il s’agissait d’un running. Pour ne pas paraître ridicule, j’ai suivi le mouvement sans trop de prétention. Et suite à cela, je me suis inscrit en club pour ne pas courir et me blesser par excès.”

    Si certains lâchent en cours de route, la course à pied les rattrape un jour ou l’autre. Raphaël Houben, qui passa sous la barrière des 1h10 au 20 Km de Bruxelles plus jeune, a ainsi renfilé ses baskets à l’approche de la quarantaine. Là aussi pour des raisons de santé. “J’avais complètement arrêté à l’âge de 25 ans. Ma reprise était avant tout motivée par le souhait de retrouver une certaine forme physique, la prise de poids se faisant sentir. Mais rapidement, l’envie de m’entraîner un peu plus intensivement s’est manifestée : la course à pied est un sport très addictif et quand on commence à y prendre goût, on a vite envie d’augmenter l’intensité…”