• On garde son maillot

     Mahiedine Mekhissi : pas de maillot, pas de médaille                                                 Source, http://www.lemonde.fr/

    Etait-ce pour pimenter une victoire que tout le monde lui promettait ? Une manière de créer une énième petite polémique autour de sa personne – elles ne manquent pas depuis le début de sa riche carrière ? Une marque de suffisance ? Ou simplement la joie de réaliser un triplé européen et d’apporter à la France sa deuxième médaille d’or à Zurich, parce qu’il "marche à l’instinct", comme dit de lui son entraîneur et manageur du demi-fond tricolore, Philippe Dupont ? Quelles que soient ses motivations, Mahiedine Mekhissi a en tout cas conclu la première étape de sa balade zurichoise, lors de la finale du 3 000 m steeple, jeudi 14 août, de la plus surprenante des manières : en enlevant son maillot à plus de 100 mètres de la ligne d’arrivée, allant jusqu’à le mettre dans sa bouche en pleine course, devant une foule incrédule.

    En tribunes de presse, un silence inquiet régnait alors pour accueillir cette première médaille d'or française de la soirée. "Tu crois qu’il pourrait être disqualifié ?", demandait un collègue. "Cela fait quarante ans que je suis les courses, je n'ai jamais vu ça", confiait un volontaire du Letzigrund, avant d'ajouter : "Vous avez de drôles de rigolos, vous les Français." Certains concurrents, eux, préféraient en rire, comme ce coureur finlandais qui s’est adressé à Mekhissi en blaguant : "Si tu étais vraiment si supérieur, tu aurais dû aussi enlever ton short !"

             

    Mais au bout du compte, la pitrerie du Français n'a plus fait fait rire personne. Après avoir, dans un premier temps écopé d’un carton jaune pour son geste, en vertu de l’article 143.1 et 143.7 du règlement de l’IAAF relatifs aux "vêtement" et au "dossard", le Rémois a été purement et simplement disqualifié. "C'est nul!", commentait à chaud un membre de la délégation française. La réclamation de l’équipe d’Espagne, dont l’un des coureurs avait terminé à la peu enviable quatrième place, a finalement été acceptée au terme de longues minutes angoissantes pour la délégation française. Le dossard doit en effet être visible tout au long de la course.

    On garde son maillot

    L'extrait du règlement incriminé : 143.1.

    Quelques instants après l'officialisation de la disqualification, le directeur technique national de l'athlétisme français, Ghani Yalouz, ne voulait pas cacher son dégoût. "Je trouve que la démarche des Espagnols est antisportive, parce que sur la course, il n'y avait pas photo. C'est vraiment petit. Le grain de folie, on n'a pas le droit en athlétisme, quand il l'a fait (enlever son maillot), il était dans la joie. On s'est fait avoir sur de la stratégie (par les Espagnols), on saura s'en souvenir. Maintenant il faut rester motivé et concentré pour le reste de la compétition."

    Mahiedine Mekhissi a ensuite assuré qu'il n'y avait "aucune arrogance" dans son geste, pensant "simplement célébrer [sa] victoire comme un joueur de foot". "J'ai trop de respect pour mes adversaires et d'amour pour mon sport pour accepter de passer pour un anti-sportif. Personne ne pourra me retirer ma victoire et la sensation et le bonheur absolu ressenti en franchissant la ligne d'arrivée", a-t-il ajouté, précisant ne pas encore savoir s'il prendrait le départ des séries du 1 500 m, programmées vendredi matin.

     Kowal récupère l'or

    Mais, chose incroyable - on n'était plus à ça près - la médaille d'or du steeple est restée tricolore. Car avec cette célébration inédite, on en avait presque oublié la remarquable deuxième place de Yoann Kowal, qui se transformait donc en or. Dans l’ombre du champion d’Europe disqualifié, le deuxième Français s’est arraché dans la dernière ligne droite et a conquis ce qui était alors la deuxième place, devant le Polonais.

    A noter que la disqualification de Mahiedine Mekhissi a fait au moins un heureux, du côté espagnol, Angel Mullera. Ironie de l'histoire, cet athlète est un habitué des recours : en 2012, avant les Jeux de Londres, il avait porté son cas devant le Tribunal arbitral du sport, alors que le comité olympique espagnol ne souhaitait l'emmener au Royaume-Uni en raison de soupçons de dopage.